Ce cousin de Kadhafi qui accuse Sarkozy
Dans un entretien accordé à L'Express, Ahmed Kadhaf al-Dam, parent du Guide et ex-dignitaire du régime de Tripoli, affirme que le colonel libyen avait apporté un soutien financier au candidat à l'Elysée lors de la campagne de 2007.
Un émissaire particulier "chargé d'arranger certains dossiers"
Ahmed Kadhaf al-Dam a servi ce régime pendant quarante-cinq ans. Au sein de l'armée, il assure un temps le commandement de la garde rap prochée de Kadhafi, une unité de 22 000 soldats d'élite. Il est surtout son diplomate attitré, à la fois conseiller spécial et émissaire particulier. D'une capitale à l'autre, il porte alors les messages du colonel, s'efforce de rétablir les liens avec l'Egypte, l'Arabie saoudite ou l'Occident... Le Français Christian Graeff, chercheur associé sur le monde arabe au CNRS, ambassadeur à Tripoli de 1982 à 1985, l'a toujours vu, habillé par les soins d'un tailleur londonien, à la droite du colonel. "Il avait un statut hors cadre, se souvient-il.
Ambassadeur itinérant, chargé d'arranger certains dossiers diplo matiques." Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères du temps de François Mitterrand, confirme son importance : "Chaque fois que je rencontrais Kadhafi, son cousin était là. Il avait en lui une confiance absolue pour toutes les affaires." Jusqu'aux plus sensibles... Ainsi, quand la France accuse la Libye de l'attentat contre le DC 10 d'UTA, en 1989, il débarque secrètement à Paris pour déminer le dossier avec Mitterrand.
Février 2011. A Benghazi, de jeunes Libyens bravent la police et exigent leur "printemps arabe". Ahmed Kadhaf al-Dam assure avoir alors incité son cousin à ouvrir le dialogue. Mais celui-ci a refusé. Voyant derrière ces contestations la menace d'islamistes armés et de nations hostiles, il envoie son fils Khamis, commandant d'une brigade d'élite, réprimer les manifestants. Des insurgés prennent une caserne, volent les armes, le pays plonge dans la guerre civile. Le 24 février, Ahmed Kadhaf al-Dam file au Caire. En rupture avec son cousin, il déclare à la presse locale : "Je démissionne de toutes mes fonctions, en protestation contre la façon dont la crise a été gérée."
Au bord du Nil, il emménage dans un luxueux appartement, sous la protection de gardes du corps. Libre, il reprend son bâton de diplomate et noue contact avec de jeunes rebelles de Benghazi. "Je me rends compte qu'ils ont été débordés par les islamistes, armés par le Qatar et par la France." Quand les Rafale français passent à l'attaque, le 19 mars, il appelle Kadhafi, se réconcilie avec lui et décroche son feu vert pour prévenir les Français et leurs alliés que Tripoli veut négocier. "Kadhafi acceptait, si l'Occident arrêtait les bombardements, de se retirer du pouvoir, de discuter avec les rebelles et de garantir aux Libyens le libre choix de leur régime. Mais les Occidentaux n'ont rien voulu savoir."
Ultime essai, il écrit au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon : "Je lui signale que les bombardements violent le mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, limité à l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne, et l'avertis que le fait de détruire les forces aériennes, navales et terrestres du pays ouvre la route au gouvernement des gangsters et des milices." Rien ne stoppe les avions de l'Otan. Sept mois plus tard, une escadrille de Mirage français bombarde le convoi de Kadhafi. Ce dernier est lynché sur le bord d'une route, le pays passe aux mains des milices.
En 2005 et 2007, il rencontre Nicolas Sarkozy
Au Caire, tous les jours, des compatriotes frappent à la porte de l'ancien émissaire du colonel. Il les reçoit dans le grand salon meublé, en habit brodé de Bédouin. Au menu de ces rencontres, l'aide aux exilés et un agenda personnel ambitieux : la construction d'une nouvelle force politique dans son pays. Un troisième camp, qui s'ajouterait à ceux des libéraux et des islamistes. La plupart de ces visiteurs sont des chefs de tribu, très influents en Libye. Avec eux, Ahmed Kadhaf al-Dam entend proposer un nouveau cadre politique, dans lequel lui-même et d'anciens kadhafistes joueraient un rôle. "Nous ne voulons pas d'une Libye gouvernée par des islamistes, prévientil, mais nous rejetons aussi toute idée d'un retour au passé."
Ce passé, il l'étale en partie dans le salon voisin. Le visiteur y découvre une série de photos où il apparaît en costume-cravate avec diverses personnalités : Blair, Juppé, Aznar, Berlusconi, Moubarak, Bachar el-Assad, MohammedVI, Kofi Annan... Nicolas Sarkozy manque à l'appel. Ahmed Kadhaf al-Dam, qui l'a rencontré à Tripoli en 2005, puis à Paris en 2007, lui reproche d'avoir détruit son pays et ouvert les portes du Sahel au djihadisme. Surtout, il l'accuse d'avoir bénéficié du soutien financier du colonel dans son ascension vers l'Elysée. Ces accusations, rejetées par l'ancien président français, viennent compléter un dossier qui n'a sans doute pas fini de peser sur son retour en politique.
L'intégralité de l'entretien est à lire dans L'Express, paru mercredi 17 septembre
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Date de dernière mise à jour : 05/07/2021