Par Marie Barbier le jeudi 12 août 2010
La déclaration est passée presque inaperçue. Le 16 juin dernier, alors qu’elle est auditionnée par le Sénat dans le cadre du rapport de gestion pour l’année 2009, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, déclare : «Je ne suis pas contre une participation forfaitaire du bénéficiaire adulte de l’AME et je compte la proposer dans le prochain projet de loi de finances », soit dès 2011.
Créée sous la IIIe République en 1893, l’Aide médicale d’État a été rénovée en 2000, la majorité de ses bénéficiaires étant alors réorientés vers la couverture maladie universelle (CMU). Depuis, l’AME est exclusivement réservée aux étrangers en situation irrégulière gagnant moins de 634 € par mois. En clair : les sans-papiers pauvres, qui sont 210 000 à en bénéficier aujourd’hui. Trop, selon Roselyne Bachelot qui dénonce la «spectaculaire augmentation des dépenses» de cette aide (300 millions d’euros de plus entre 2007 et 2010, d’après le ministère). En cause, explique la ministre : «l’évolution du nombre des bénéficiaires, (due) notamment à l’augmentation de 20 % des déboutés du droit d’asile qui deviennent éligibles à l’AME», «l’augmentation des séjours pour pathologies graves» ou encore «l’amélioration de la gestion des droits par les établissements de santé et l’assurance maladie» (sic). La solution ? Faire payer les bénéficiaires de l’AME grâce à une «contribution forfaitaire».
Une aberration pour les associations de défense des étrangers (1) qui ont écrit, le 29 juillet dernier, une lettre ouverte à Roselyne Bachelot. «L’instauration d’un forfait d’entrée à l’ouverture serait un recul majeur de la politique de santé et des principes fondateurs de l’aide sociale» écrivent-elles, ajoutant qu’elles jugent cette réforme «dangereuse pour les personnes concernées, contraire aux enjeux de santé publique et financièrement contre-productive». Le gouvernement n’en est pas à son coup d’essai. Un projet de décret élaboré en 2004 instituait une contribution aux frais de santé par l’intermédiaire d’un ticket modérateur, mais n’a jamais été mis en place, du fait de l’opposition des professionnels de santé et des associations. Pour Didier Maille, de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, un ticket modérateur se transformerait en «ticket d’exclusion des soins» : «Ce n’est pas propre aux étrangers, précise t-il. Mettre des obstacles financiers à l’accès aux soins revient à exclure les gens qui ont de faibles revenus. Or laisser 200 000 personnes hors des soins est extrêmement dangereux pour la santé publique».
(1) Le Collectif interassociatif sur la santé, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, l’Observatoire du droit à la santé des étrangers et l‘Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux.
Article publié dans l'Humanité du 12 août