AQMI serait-elle une création de Sarkozy ?

Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont été sans nul doute un coup de pouce bienfaiteur pour l’ancien président américain Georges W. Bush. Pour l’évangéliste convaincu qu’il se disait être, cela a même dû lui faire l’effet d’un miracle. Car au bout de six mois de présidence, ses capacités limitées commençaient à "étonner", aux Etats-Unis comme ailleurs, et sans sa "guerre contre l’axe du mal", nul ne sait comment il aurait finit son mandat. Heureusement pour lui, de bons conseillers lui avaient soufflés à l’oreille le truc de l’étranger qui "vous veut du mal". Après les communistes voilà les islamistes. Et même si l’agresseur initial était l’oncle Sam[1] , il fallait frapper n’importe où mais fort. Cette histoire est connue et l’Irak est aujourd’hui un pays détruit. L’Afghanistan aussi. Et si après le 11 septembre 2001, Bush a abandonné la poursuite de Ben Laden au profit de sa guerre contre Saddam Hussein, ce n’est peut-être pas un pur hasard.
 
Sans penser à des conséquences aussi terribles, on pourrait se demander si ce n’est pas la même mouche, ou les mêmes conseillers, qui ont piqué Nicolas Sarkozy, lorsqu’il se met à voir des terroristes islamistes derrière chaque dune du Sahel africain. Les récents enlèvement au Niger agitent beaucoup son état major politique. On dénonce ça et là le besoin de créer une diversion à l’heure où le gouvernement français est englué dans des affaires d’argent et de politique, mais n’y-a-t’il que cela ? Bien sûr, comme à son habitude, Sarkozy est dans la surenchère sécuritaire dès que l’occasion lui en est donnée, mais cette fois ne s’essayerait-il pas au coup du fils Bush ? Après l’épisode de l’identité nationale, des Roms, autant de tentatives pas très glorieuses, pourquoi pas relancer son mandat avec l’épouvantail de l’ennemi extérieur et de l’élan patriotique ? Je fabule sans doute, mais le personnage et les circonstances sont si provoquantes que je ne peux me retenir.
 
Les experts politiques qui monopolisent les médias ne se posent évidemment aucune question, et la menace islamiste en Afrique va de soi. A mon avis, c’est allé un peu vite en besogne. Jean-François Bayart, directeur de recherche aux CNRS, qui connait plutôt bien la région concernée, parle de "prophéties auto-réalisatrices" de la part du gouvernement français.
 
Retour sur une affaire qui finit mal.
 
C’est la presse espagnole qui, le 22 juillet dernier, dévoilait cette fumeuse opération militaire franco-mauritanienne en territoire malien[2]. Il s’agissait pour Paris de libérer Michel Germaneau, un otage français aux mains d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamiste), et pour Nouakchott de lutter contre le terrorisme qui menaçait la Mauritanie. Lorsque l’on s’attarde sur la situation mauritanienne, on se demande d’ailleurs qui menace le plus le pays, entre un terrorisme dont les forfaits sont sans cesse amplifiés et un Général qui a pris la tête de son pays en 2008 lors d’un putsch. Naturellement ce Général, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui s’est auto-proclamé président du Haut-Conseil d’Etat, a la pleine confiance de Paris.
Pour revenir au raid militaire, pas trop légal[3], il ne serait pas impossible qu’il ait été mené finalement, et par erreur (?), contre une bande de trafiquants et non pas contre une bande de terroristes barbus suréquipés. La grande quantité d’armes soi-disant saisie suite à l’expédition, qui devait être la preuve de la décapitation de cette armada islamiste, a été brûlée. Dommage. Nous devrons donc nous contenter des affirmations d’un Général putschiste ou de ministres français, embarrassés d’avoir été pris sur le fait d’organiser de telles escapades.
Bilan direct de l’opération : six, sept ou huit morts, terroristes ou peut-être simples trafiquants[4]. Puis finalement Michel Germaneau, qui paya indirectement pour cette croisade franco-mauritanienne.
 
Qui est AQMI ?
 
Certains[5] voient derrière AQMI une émanation de la sécurité militaire algérienne (DRS - Département de renseignement et de sécurité), voir la DRS elle-même. D’autres, plus modérés, ont "des doutes sur l’indépendance d’AQMI à l’égard des services de sécurité algérien"[6]. Les mobiles de l’Algérie dans tout cela seraient notamment de déstabiliser ses voisins sahéliens et de chasser les occidentaux de sa sphère d’influence. S’il était besoin de chercher un motif, le contrôle des ressources énergétiques de la région suffirait amplement.
En conclusion, que ce soit du coté français comme du coté africain, l’instrumentalisation jouerait à plein[7]. Est-ce que l’on saura un jour la vérité dans tout cela ? C’est peu probable. Mais même si c’était le cas et pour revenir à l’exemple américain, Saddam Hussein n’avait jamais eu de liens avec Al-Qaïda, quelle différence cela a-t-il fait ?
 
Intérêts français
 
Pour ce qui est de la France, les intérêts sont multiples au Sahel. Ils sont politiques (soutien entre autres aux putschistes Aziz et (sans doute bientôt) Compaoré, qui ne devrait pas tarder à entrer dans la danse[8]), et surtout économiques.
 
Areva, l’entreprise française la plus importante dans la région, a besoin de protection, et l’arrivée d’AQMI n’arrange pas ses affaires. A Arlit, dans le Nord du Niger, l’entreprise française n’a pas bonne réputation. L’exploitation des hommes et de l’environnement ne sont, semble-t-il, pas un souci pour l’entreprise d’Anne Lauvergeon, qui se conduirait comme (la plupart de) nos ancêtres les colons. Il n’y a pas de petits profits et les problèmes de sécurité que provoque ce comportement "cavalier" d’Areva, seront de toute façon tôt ou tard assumés par la France et les français, si ce n’est déjà le cas. Et là c’est du petit pain pour des prétentions islamistes, si tant est qu’AQMI ne roule que pour Al-Qaïda, que ce néo-colonialisme supposé. Les actions d’AQMI vont prendre la place de celles des Touaregs[9] du Nord Niger, rien de plus.
 
Enfin quoiqu’il en soit d’AQMI, elle a bien revendiqué le meurtre de Michel Germaneau, comme l’enlèvement la semaine dernière de sept personnes travaillant pour Areva et Vinci.
 
Ecran de fumée ou stratégie bushienne ?
 
Espérons que je suis la proie d’une théorie du complot complètement farfelue, et que l’équipe de Sarkozy ne va pas mettre le feu au désert, ni parvenir à réaliser une prophétie auto-réalisatrice. Heureusement, nos intellectuels et experts politiques français ont horreur de ces théories du complot, qu’ils attribuent à des faibles d’esprit, et il est probable qu’ils sauront nous en préserver. Mais quand je relis l’histoire des Etats-Unis, je m’aperçois quand même que Georges Bush ne fut pas un précurseur dans son rôle d’agitateur guerrier et que cela a toujours fonctionné. Pourvu que Sarkozy n’en sache rien.
 
SylvainD.

Complément par Chien Gué :

N'oublions pas aussi, que l'allibi terroriste sert aussi à diaboliser n'importe qui, vu les nouvelles lois ; on a vu l'histoire des anarchistes de Tarnac, demain les jeunes à casquette, et dans un an, pourquoi pas les porteurs de t-shirt du Che, ou les fumeurs !!  

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[1] Guerre Afghanistan-URSS (1978-1992), dans le contexte de de la guerre froide.
[3]Bamako n’en aurait pas été informé. Le 22 sept 2010 le Mali a fêté les 50 ans de son indépendance… Les mauvaises habitudes coloniales ont la dent dure.
Opération militaire franco-mauritanienne au Nord du Mali : Les partis politiques exigent des comptes
[4] Lire "Contre qui la France est-elle en guerre au Sahel" (dans le n° de sept 2010 de la lettre mensuelle de Survie)
[5] C’est le cas par exemple de Jeremy Keenan, anthropologue anglais.
[6] François Géré, notamment chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN)
[8] On se souvient du soutien au président nigérien, Mamadou Tandja. Encore une fois Sarkozy avait choisi le mauvais cheval (voir "Areva au Niger").

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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021