Je l’ai toujours soupçonné d’appliquer les techniques du marketing avant celles de l’écriture, et d’ignorer l’authenticité.

Mais la lecture de son dernier roman vient d’ouvrir une brèche dans mon aversion.

Dans « Les enfants de la liberté », il raconte l’histoire de son père, Raymond, et de son oncle, Claude, qui, avant d’avoir atteint l’âge qui fait de vous un homme, se sont engagés dans la résistance.

Il y tenait Raymond.

Ce que je veux, c’est tuer un nazi avant de mourir. Je veux un revolver. »

Et le voilà enrôlé, avec son petit frère, dans la 35ème brigade, à Toulouse. Avec Charles, Sophie, Marc, Emile et les autres. Des enfants épris de liberté, pas de nation.

Avec cette bande, souvent joyeuse, on fabrique des bombes. On se cache. On aime en cachette. On fait sauter des trains. On tue des procureurs. On réapprend aussi avec horreur, que les Français étaient parfois plus zélés que les nazis.

Mais Marc Levy n’a pas commis la faute de goût de présenter le destin de résistant comme une partie de plaisir. Il y a des moments où, avec eux, on se demande à quoi il sert de se battre, car c’est très souvent pour finir sous les balles d’une huitaine de fusils allemands.

Ou pire :

Au cinquième étage d’un immeuble, à Toulouse, une fillette de 6 ans regarde sa maman qui s’en va pour toujours. Elle sait bien qu’elle ne reviendra pas, son père le lui a dit ; les juifs qu’on emmène ne reviennent jamais. »

Raymond et Claude seront arrêtés, eux aussi, juste avant la Libération. Ils seront les passagers de ce que l’on a appelé le train fantôme. Un convoi bourré de prisonniers agonisants, qu’un commandant allemand, avec la rage du loup blessé, est parvenu à emmener à Dachau, sous les balles alliées. Heureusement, Raymond et Claude parviendront à s’enfuir, d’une manière et au terme d’un suspens que Marc Levy conte crescendo, avec efficacité.

Je ne dis pas que l’on se trouve face à un chef d’œuvre de la littérature. Il reste de solides tics d’écriture. Il reste aussi des invraisemblances, des niaiseries.

Mais malgré ces petits énervements, j’ai envie de dire merci à Marc Levy.

Merci d’avoir pris le risque de décevoir une partie de son lectorat pour raconter une histoire sans effet spéciaux.

Merci de rappeler à des dizaines de milliers de gens qu’il est parfois bon de dire non à ceux qui ont autorité sur vous.

Et en ce temps ou la différence est suspecte, merci d’avoir écrit ceci :

Et puisque la population se préparait à l’acclamer, ce Maréchal, il fallait sonner notre tocsin, réveiller les gens de cette peur si dangereuse, celle qui gagne les foules et les conduit à baisser les bras, à accepter n’importe quoi ; à se taire avec pour seule excuse à la lâcheté que le voisin fait de même, et que si le voisin fait de même, c’est donc ainsi qu’il faut faire. »