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Entre les salaires des petits et grands patrons, 569 smic d'écart

Par David Servenay | Rue89

Des billets de banque (Kevin Rawlings/Flickr).

Les petits patrons français vont-ils un jour se révolter ? Au vu des classements de fin d'année sur la rémunération des PDG, ils auraient de quoi. Entre les stars du CAC 40 qui émargent à plus de 200 fois le smic, et les gagne-petit des PME, le fossé est immense, comme le constate la CGPME et le cabinet Proxinvest, qui appuient leurs évaluations sur les chiffres 2008 de l'Insee, les documents boursiers du CAC 40 et du SBF 120, premières capitalisations boursières françaises.

Ainsi :

  • Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, gagne 9 240 809 euros annuels, soit 572 smic par mois (à 1 344 euros brut par mois) ;

  • Nordine Hachémi, PDG de Séchilienne-Sidec, gagne 4 322 210 euros annuels, soit 267 smic par mois ;

  • Robert Dupont, PDG d'une PME de moins de vingt salariés, gagne 48 000 euros annuels soit trois smic par mois.

La France en retard sur les questions de gouvernance

Depuis la financiarisation de l'économie au tournant des années 2000, les grands patrons français vivent sur un (très) grand pied. Juste derrière les Américains, mais loin devant tous leurs voisins européens. Le cabinet Proxinvest, peu suspect de CGTite aiguë, dresse le constat que les grands patrons n'ont pas tiré en 2009 :

« Etrangement, la France, qui était il y a quelques années encore en avance sur les questions de gouvernance, est restée à l'écart du débat concernant le vote annuel des actionnaires sur la politique de rémunération, vote aussi appelé “Say on Pay”, généralisé au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Suisse, adopté en 2009 en Allemagne et enfin en 2010 en Belgique et aux Etats-Unis. […] »

Bien sûr, en présentant le bilan 2010 de l'application du code Afep-Medef, Maurice Lévy et Laurence Parisot se sont félicités des progrès accomplis. Il est vrai que la rémunération globale des patrons du CAC 40 a plutôt baissé ces trois dernières années. A cause de l'effondrement du cours des actions, la « part actionnariale » de cette rémunération a chuté de 46%. La « part salariale », elle, a grimpé l'an dernier de 5%.

La pente est aussi forte que rapide

Jusqu'à 50 salariés, les entreprises semblent gérer « normalement » les écarts de salaires. Que Robert Dupont gagne trois fois le smic, donc à peu près deux fois le salaire moyen de ses employés, paraît justifié au regard des responsabilités exercées.

Ainsi, en 2008, le salaire moyen des dirigeants d'entreprise atteint 61 300 euros, soit 5 108 euros mensuels. Mais c'est une moyenne. En réalité, la pente est aussi forte que rapide :

  • de 20 à 49 salariés, le salaire du patron s'élève à 6 733 euros ;
  • après 50 salariés, cela monte à 10 942 euros ;
  • au-delà de 250 salariés, on arrive à une moyenne de 17 475 euros mensuels.

Et ainsi de suite… jusqu'au sommet du CAC 40. Où l'opacité règne encore dans le flou entretenu par les conseils d'administration. Proxinvest résume cela d'un sévère : « La transparence progresse, mais la responsabilité régresse. » Le cabinet relève trois points noirs :

  1. La France ne soumet pas les rémunérations des dirigeants à l'approbation de l'assemblée des actionnaires et encore moins celles des présidents non exécutifs.
  2. Idem pour l'absence d'informations sur les retraites chapeau, qui échappent au contrôle des actionnaires. Le patron de Publicis et de l'Afep, Maurice Lévy, en sait quelque chose.
  3.  Enfin, des critères de performance, qui définissent la part variable des rémunérations, ne sont pas du tout lisibles, voire simplement pas communiqués.

Photo : des billets de banque (Kevin Rawlings/Flickr).

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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021