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Nuit Debout : moyens matériels et récupérations politiques

La carte intéractive en temps réel des Nuits Debout

https://framacarte.org/fr/map/nuitdebout_2186#6/47.473/6.768


Radio, bibliothèque et piratebox sont en place

Le mercredi 6 avril, à l'heure de l'assemblée générale (18 heures) Radio Debout a émis pour la première fois place de la République, à l'initiative de passionnés de radio, techniciens, réalisateurs ou reporters. Elle est à écouter tous les soirs de 18 heures jusqu'à minuit sur la plateforme Mixlr.

Ce samedi 9 avril, une bibliothèque éphémère a vu le jour place de la République à Paris (XIe), où est né le 31 mars le mouvement « Nuit debout ». C’est SavoirsCom1, un collectif consacré aux politiques des « communs de la connaissance », qui a lancé l’idée de créer une « BiblioDebout » sur la place.
« Tous les grands mouvements de protestation citoyenne par occupation des espaces publics ont eu leur bibliothèque », lit-on dans l’appel du collectif.

    « Les Indignados espagnols avaient créé la leur sur la Puerta del Sol à Madrid ; sur la Place Taksim au Parc Gezi, les opposants d’Istanbul avaient eux aussi érigé une bibliothèque éphémère. Mais la plus célèbre est la “People’s Library” rassemblée par les participants du mouvement Occupy Wall Street.

    Créer une bibliothèque éphémère à la Nuit debout, c’est aussi l’occasion de « mettre au cœur du débat et de l’action la question des communs et des communs de la connaissance », explique Thomas Fourmeux, membre du collectif SavoirsCom1 et assistant multimédia dans le réseau de bibliothèques d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

    « Ce qui nous intéresse, c’est de gérer en commun une ressource, la partager et la diffuser. »

Ceux qui souhaitent participer à la construction de la bibliothèque éphémère place de la République, à Paris, sont invités à se rassembler samedi à 10 heures – les manifestants des autres villes en France sont appelés à créer eux aussi la leur (une BiblioDebout a été aménagée à Rennes et à Toulouse, elle est en préparation).

Le collectif SavoirsCom1 propose à chacun d’apporter ses livres pour les mettre en partage mais aussi des tréteaux, des cartons, des bâches, des pancartes pour créer la bibliothèque, ainsi que « tout ce que vous jugerez utile pour la faire vivre ».

    « Erigeons un Commun temporaire et mettons la connaissance au cœur de ce mouvement en train de naître en réaction aux abus répétés du pouvoir en place ! Que ces livres viennent nourrir les débats qui s’épanouissent sur cette place ! Qu’ils symbolisent notre volonté de participer à cet élan en nous réappropriant notre culture commune ! »

En complément de la bibliothèque de papier, au moins une PirateBox devrait aussi être installée à BiblioDebout ce samedi matin : dans cet espace virtuel libre et anonyme, les manifestants pourront discuter avec les autres utilisateurs et déposer ou télécharger des fichiers (ouvrages, revues, musique, docus, films, etc).

« La bibliothèque éphémère a l’avantage de se voir, facilité par sa matérialité, et la dimension numérique fait écho au point de départ du mouvement, qui s’est fait notamment sur les réseaux sociaux », complète Thomas Fourmeux, qui installera la PirateBox samedi.

La PirateBox est composée d’un routeur Wifi, d’un dispositif de stockage d’information et d’une batterie. On peut s’y connecter depuis un smartphone, une tablette ou encore d’un ordinateur. N’étant pas reliée à Internet, elle constitue un réseau d’échange libre pour un coût de fabrication d’une cinquantaine d’euros environ. Thomas Fourmeux :

    « On s’est posé la question : est-ce qu’on s’affranchit du Code de la propriété intellectuelle ou on reste dans la légalité ? Pour l’instant, on y déposera des œuvres dans le domaine public ou sous licence libre mais chacun sera libre d’y mettre ce qu’il entend, on ne censurera pas. »


Les récupérations politiques

Le mouvement, qui se dit apolitique, compte pourtant parmi ses animateurs de nombreux militants encartés. D'où des suspicions de noyautage politique...

"Depuis le début de l’occupation, ma carte du Parti de gauche, je l’ai laissée au fin fond de ma poche." A écouter Leila Chaibi, fondatrice du collectif Jeudi noir spécialisé dans l’occupation de squats et accessoirement adhérente à la formation politique de Jean-Luc Mélenchon, le mouvement naissant à République dont elle est une des chevilles ouvrières se construirait en totale indépendance des partis de la gauche de la gauche.

Les militants politiques étaient d'ailleurs très peu présents lors de la première occupation, au soir de la manifestation du 31 mars, au contraire des associatifs. Leila Chaibi, 33 ans, a déposé en préfecture les premières demandes d’occupation de la place, forte de son expérience à Jeudi noir. Elle raconte :
"Ce n’est pas faute d’avoir prévenu mes camarades du Parti de gauche qu’on allait occuper République après la manif’. J’ai eu très peu de réponses, la plupart restaient focalisés sur JLM2017 [le mot-dièse de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon]."

Si le mouvement compterait désormais parmi ses visiteurs réguliers une petite centaine de militants du Front de gauche et autant du NPA, d’après les estimations de divers participants, l’immense majorité n’est arrivée que le deuxième jour, vendredi 1er avril. Plus révélateur encore, la plupart restent discrets sur leur implication partisane.

Logos, drapeaux et autres signes extérieurs d’appartenance à une organisation politique sont absents. Cette virginité a été imaginée par les organisateurs pour rallier un public large à la démarche de Nuit Debout. Leila Chaibi explique : "On voulait faire de la place de la République un lieu de fête, de rencontre, au-delà des réseaux habituels de militants."
Le discrédit dont souffrent les partis politiques a été intégré par tous. Chacun accepte de mettre en retrait son affiliation partisane pour faire vivre le mouvement. "Si t’arrives avec ta bannière, tu pourras pas entraîner le plus grand nombre", pointe Fanny Gaillanne, conseillère de Paris communiste, arrivée à République le deuxième jour.

S’ils ne le revendiquent pas, beaucoup de membres actifs de Nuit Debout sont engagés en politique. C’est le cas de Julien Bayou, conseiller régional d’Ile-de-France et porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts, qui estime toutefois que le mouvement ne doit pas grand-chose aux formations politiques : "C’est éminemment politique mais sans les partis. C’est archi collectif, éclectique et spontané", considère le cofondateur de Jeudi noir. Selon Leila Chaibi, une jonction aurait été opérée entre les éléments les plus politisés et de nouveaux venus, pas du tout impliqués dans la lutte militante :
"On a eu une réunion dimanche soir avec les nouveaux référents des commissions : il n'y avait aucune tête connue parmi eux. C'est vraiment un public nouveau."

Julien Dray, grand connaisseur des mouvements de jeunes, n’y croit pas. Pour l’élu socialiste, qui affirme être venu observer l’opération discrètement, tout comme le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, ces veilleurs de nuit uniques en leur genre sont loin d’être apolitiques : "J'ai vu l'extrême-gauche, des communistes. Le NPA, on les reconnaît, ils sont là".
Organisation en commission thématique pour écrire une constitution, vote systématique sur chaque proposition : les réunions ont parfois des airs d’AG du Nouveau parti anticapitaliste. Parmi ses membres aperçus sur la place, Olivier Besancenot, qui n’intervient toutefois pas dans les débats. De son côté, Philippe Poutou, le candidat du NPA à l’élection présidentielle, pouffe :
"On aimerait bien noyauter le mouvement ! La vérité, c’est que nous ne sommes pas à la manœuvre, loin de là. On découvre un mode de fonctionnement qu’on connaissait peu, inspiré des Indignés espagnols."

Un mouvement dont certains représentants sont physiquement présents place de la République : l’activiste espagnol Pablo Lapuente Tiana, membre de la section Podemos de Paris, est même devenu le référent "formation" de Nuit Debout. Il conseille notamment les occupants sur la communication avec les médias et l’utilisation des réseaux sociaux.

Ce parrainage prestigieux donne des idées. Leila Chaibi assume l’influence espagnole mais nuance :
"Les Indignés sont évidemment dans toutes les têtes. Et pour moi qui suis aussi engagée en politique, Podemos, ça fait rêver. Mais on n’en est pas là et on ne cherche pas à faire du copier-coller."

Pour Tarik Sarfaoui, jeune militant du NPA présent depuis le premier jour, cette tentation de récupérer politiquement Nuit Debout existe bel et bien : "Bien sûr que certaines personnes du Front de gauche présentes ont des arrière-pensées. Ils voudraient déboucher sur un Podemos français", estime le jeune homme de 22 ans. "Mais pour l'instant, tout le monde se respecte, l'important, c'est la lutte", tempère cet étudiant en cinéma à Paris 1. Pour l'heure, seuls des proches d'Egalité et Réconciliation, le groupuscule d'Alain Soral, ont réellement tenté, un soir, de noyauter l'AG. Sans succès.
Si les militants politiques s’activent, les grands élus restent pour le moment réduits au rang d’observateurs. Ils ont bien compris qu’ils n’avaient pas intérêt à tirer la couverture à eux : c’est ce qu’a dit Jean-Luc Mélenchon, qui ne veut pas "récupérer " mais aimerait "être récupéré". Le cofondateur du Parti de gauche  a  en effet assuré dimanche ne pas vouloir "récupérer" l'opération nocturne "Nuit Debout", mais qu'il serait en revanche "fier" d'"être récupéré" par ce mouvement "formidable" de jeunes rassemblés depuis plusieurs nuits place de la République. "C'est formidable de voir cette jeunesse remonter sur la scène avec cette conscience sociale. On aurait payé qu'on aurait pas rêvé mieux. Une jeunesse qui se mobilise pour défendre le code du travail, après des mois de débats à la noix, c'est formidable", a salué M. Mélenchon.

Les députés socialistes frondeurs sont aussi venus en curieux, comme Pascal Cherki, Barbara Romagnan et Daniel Goldberg. Outre Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti communiste, de nombreux élus du Front de gauche ont également passé une tête. Arrivée dès le 1er avril à "Répu", la conseillère de Paris communiste Emmanuelle Becker, 32 ans, s’en amuse : "La plupart n’osent pas s’asseoir avec nous, ils regardent ce qui se passe, interloqués". Et de confier en souriant : "Même pour moi, c’est déstabilisant."

Questions posées à Jean-luc Mélenchon :

Est-ce que ce mouvement va prospérer' "Je l'espère", a-t-il répondu à ses intervieweurs. Un grand mouvement social et citoyen va-t-il arriver' "Bien sûr, il va arriver de toute façon inéluctablement. Si ce n'est pas aujourd'hui ça sera demain, c'est inéluctable", a affirmé le candidat déclaré à la présidentielle.

"Pour des raisons qui ne tiennent ni à moi ni à qui que ce soit, qui tiennent au système. Le système est en train de s'effondrer avec l'Etat qu'il est en train d'effondrer", a plaidé M. Mélenchon, dénonçant une "caste", "de droite" mais aussi "de gauche, ceux qui gouvernent en ce moment, qui pensent que la solution c'est plus de marché et moins d'Etat".

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Date de dernière mise à jour : 14/04/2016