GÉOPOLITIQUE MONDIALE DU GAZ

Recherches et écriture: LEPAC / Mathias Strobel

Réalisation : Alain Jomier

Graphisme : Anne Criou

Diffusion sur Arte le 03.10.2007 à 22:30

Le gaz naturel est en passe de devenir la 2e source d’énergie consommée dans le monde, derrière le pétrole. Comment comprendre un tel engouement pour le gaz ? Et quels sont les risques géopolitiques associés à cette ressource, notamment pour l’Europe?

Le gaz naturel est en passe de devenir la 2e source d’énergie consommée dans le monde, derrière le pétrole mais maintenant à égalité avec le charbon.
Aujourd'hui, nous allons proposer un tableau de bord de cette source énergétique, et puis analyser les divers risques qui sont associés à ce marché du gaz, notamment pour l’Europe.

Les principaux pays producteurs de gaz naturel

 
Les principaux pays producteurs de gaz naturel

En 2005, la Russie produit à elle seule 22 % du total mondial.
L’Amérique du nord, 26%, avec respectivement 19% pour les Etats-Unis et 7% pour le Canada.
Viennent ensuite l’Algérie, le Royaume-Uni, la Norvège et l’Iran, avec un peu plus de 3% chacun ; puis, notamment, l’Indonésie, l’Arabie Saoudite et le Turkménistan (entre 2 et 3% chacun).

Les pays consommateurs

 
Les pays consommateurs

Les Etats-Unis sont les premiers consommateurs : en 2005, ils représentaient 23% de la demande mondiale de gaz.
Ils sont suivis par l’Union européenne, la Russie, l’Iran et le Japon.
L’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie ne représentent qu’une faible part de la consommation mondiale de gaz naturel, mais c’est dans ces régions que l’augmentation de la demande est la plus forte.

La composition du gaz naturel

 
La composition du gaz naturel

Le gaz naturel est un mélange d’hydrocarbures dans la composition duquel domine le méthane, et qui n’existe pas naturellement sous forme liquide.
Ce qui a plusieurs conséquences, à la fois économiques et géopolitiques, sur le transport du gaz.

Le transport du gaz

 
Le transport du gaz

Alors que le pétrole est surtout transporté par mer, et que les tankers permettent de livrer ce pétrole n’importe où dans le monde, le gaz, lui, est transporté sur terre, par gazoduc, et ce, sur des distances plus courtes.

Plusieurs marchés du gaz

 
Plusieurs marchés du gaz

Cela explique pourquoi, il n’existe pas un marché mondial du gaz, comme pour le pétrole, mais plusieurs marchés régionaux : américain, européen ou asiatique. Les prix du gaz varient d’ailleurs d’un marché à l’autre, notamment en fonction de la distance parcourue.

Une interdépendance entre le producteur et le consommateur

 
Une interdépendance entre le producteur et le consommateur

Un gazoduc est une infrastructure fixe qui, du producteur au consommateur, traverse parfois plusieurs pays.
Le transport du gaz exige donc une relation de confiance entre le producteur et le consommateur, car en cas de tension politique il y a un risque de rupture dans l’approvisionnement.

Le cas de l’Amérique latine

 
Le cas de l’Amérique latine

À l’échelle mondiale, la Bolivie est un petit producteur de gaz, mais à lui seul il détient les deuxièmes réserves de toute l’Amérique latine.
Or, en 2006, le nouveau Président Evo Morales a décidé de nationaliser le secteur gazier du pays, en renégociant les contrats avec les compagnies étrangères.

L’inquiétude des pays consommateurs

 
L’inquiétude des pays consommateurs

Cette décision fait peser des incertitudes sur la production de la Bolivie, donc inquiète les pays consommateurs voisins, et en particulier le Brésil qui est le premier importateur du gaz bolivien.

Le cas de l’Union Européenne

 
Le cas de l’Union Européenne

L’Union européenne importe aujourd’hui près de 50% du gaz qu’elle consomme, et cette part devrait atteindre 70% d’ici 2030.
Ses principaux pays fournisseurs sont:
- la Norvège,
- l’Algérie,
- et la Russie.
40% des importations de gaz de l’Union européenne viennent de Russie. Ce pays est donc un partenaire clé, d’autant qu’il détient les premières réserves mondiales de gaz.

Le rôle de Gazprom

 
Le rôle de Gazprom

La compagnie russe Gazprom contrôle l’essentiel de la production et du transport de gaz en Russie.
Elle est la 3e entreprise au monde en termes de capitalisation boursière, elle emploie 300 000 personnes et génère à elle seule 25 % des recettes budgétaires de la Russie.
Mais Gazprom est surtout une société d’Etat très liée au Kremlin, et dirigée par un proche du président Poutine.
Or cette situation inquiète l’Union européenne, d’abord pour des raisons économiques.
Pour répondre à la croissance de la demande (intérieure et extérieure) en gaz, la Russie devra investir 200 milliards de dollars dans le secteur de l’exploration, la production et la construction de nouveaux gazoducs d’ici 2020.
En effet, les principaux champs gaziers russes en activité en Sibérie occidentale sont en déclin. De nouveaux champs situés dans cette région mais aussi en Sibérie Orientale, et en mer de Barents, qui ont de grosses réserves demanderaient de gros investissements. Or, on constate que depuis plusieurs années la politique de Gazprom consiste à acquérir des concessions ou des compagnies à l’étranger, plutôt que de mettre en valeur ces gisements par des investissements.
La Russie pourrait donc ne pas satisfaire la demande européenne en gaz dans les années à venir, et les prix sur le marché européen pourraient augmenter.

Les inquiétudes géopolitiques de l’Union Européenne

 
Les inquiétudes géopolitiques de l’Union Européenne

Des facteurs géopolitiques suscitent également l’inquiétude de l’Union européenne.
Dans un contexte où la Russie cherche à regagner son influence en Europe centrale (après l’entrée de nouveaux pays dans l’OTAN en 2004, l’élargissement de l’Union Européenne en 2004 et en 2007, ou encore la Révolution Orange survenue en Ukraine fin 2004), le gaz est utilisé par Moscou comme un moyen de pression dans ses relations avec l’Europe.

L’Ukraine, pays clé pour les exportations de gaz russe

 
L’Ukraine, pays clé pour les exportations de gaz russe

En janvier 2006 Moscou a décidé de suspendre toute exportation de gaz vers l'Ukraine pendant plusieurs jours, car celle-ci refusait l’augmentation des prix exigée par le fournisseur russe.
Or, c’est par l’Ukraine que transitent 80% des exportations de gaz russe vers l’Union européenne.
Cette coupure de gaz a donc suscité de vives inquiétudes, en particulier en Slovaquie et en Bulgarie (qui dépendent à 100% de la Russie pour leur approvisionnement en gaz) ; mais aussi plus largement en Europe de l’ouest.

Le projet Nabucco

 
Le projet Nabucco

Pour garantir sa sécurité d’approvisionnement, l’Union européenne peut d’abord chercher à diversifier ses fournisseurs.
Il existe notamment le projet Nabucco, un gazoduc géant entre la Turquie et l’Autriche, long de 3400 km, qui permettrait d’acheminer du gaz de la Caspienne en contournant les gazoducs russes.
Mais ce projet est très coûteux, et peut s’avérer économiquement décevant si le gazoduc n’est pas relié aux champs iraniens, ou aux champs kazakhs et turkmènes, de l’autre coté de la Caspienne. Or, aujourd’hui, le gaz venant d’Asie Centrale est avant tout évacué par la Russie.

Le GNL

 
Le GNL

Ensuite, l’Europe pourrait accroître ses importations de GNL, c’est-à-dire le Gaz Naturel Liquéfié.
Cette technologie, développée depuis les années 60, consiste à liquéfier le gaz, pour le rendre plus dense et pouvoir le transporter par bateau, donc sur de grandes distances.
Cela suppose d’importants moyens : d’abord, des terminaux de liquéfaction dans les pays producteurs, ensuite, des méthaniers, ces énormes bateaux qui permettent de transporter le gaz liquide, et enfin, des terminaux de re-gazéification à l’arrivée.

Les grands fournisseurs de GNL

 
Les grands fournisseurs de GNL

En 2005, le GNL ne représentait qu’un cinquième du gaz transporté dans le monde, mais il s’agit là d’une technologie qui est amenée à se développer.
Le Japon par exemple est de très loin le premier importateur mondial de gaz naturel liquéfié, ses principaux fournisseurs étant l’Indonésie, la Malaisie, l’Australie, Brunei et le Qatar. Le Qatar sera sans doute le premier exportateur mondial de GNL d’ici 2020.

Le Qatar

 
Le Qatar

Le Qatar investit massivement dans la technologie du GNL, car il dispose de 15% des réserves prouvées de gaz, soit quasiment le deuxième rang mondial, derrière la Russie (1ères réserves) et à égalité avec l’Iran.

Les importations européennes de GNL

 
Les importations européennes de GNL

L’Union européenne commence à parier sur le GNL, notamment avec les terminaux de re-gazéification qui sont situés en Espagne, ou aussi en France avec FOS 2 qui est en construction…
Et ces terminaux permettent déjà d’importer le gaz d’Algérie, du Nigeria, d’Egypte ou encore du Qatar.

 

Que peut-on retenir de tout cela ?
La demande pour le gaz est en augmentation, car ses réserves sont prometteuses ; cette énergie pollue moins que le pétrole et le charbon ; et avec les turbines à gaz, cela fait baisser le prix de la fourniture d’électricité.
Le GNL devrait représenter 40% des échanges mondiaux de gaz d’ici 2020.
Il rend le marché du gaz plus flexible, en réduisant la dépendance du consommateur à l’égard du producteur, donc cela contribue à
« mondialiser » le marché du gaz.
Le problème c’est que les réserves de gaz sont concentrées sur quelques pays seulement, Russie en tête.
Et celle-ci envisage de créer, avec certains partenaires, comme une « OPEP du gaz » pour peser davantage encore sur ce marché qui est très convoité.
D’où la nécessité pour l’Union européenne d’accélérer la mise en place d’une politique européenne de l’énergie, en constituant de grands groupes gaziers de taille européenne et de taille mondiale.
Mais cela s’oppose précisément à l’idée de libre concurrence qui est prônée par Bruxelles.
Et bien, c’est une contradiction que l’Union européenne devra gérer d’ici les 10 prochaines années.

http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/le-dessous-des-cartes/392,CmC=1709670,view=conclusion.html

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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021