Lech Kaczynski, mort d’un nationaliste réactionnaire
Kaczynski a, logiquement, essayé de s'opposer à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, empêchant même le gouvernement libéral de ratifier la charte des droits fondamentaux. Il aura finalement été le dernier représentant d'une certaine Pologne rancie, crispée, réactionnaire (rejet de l’avortement, refus de reconnaître des droits aux homosexuels, etc.). Il faut espérer que la mort de Lech ne permettra pas à Jaroslaw de se faire élire à sa place, celui-ci étant encore bien pire que son jumeau.
Mais l’histoire sait être ironique : en mourant en Russie, Kaczynski aura sans doute permis à Moscou et à Varsovie de tourner définitivement la page de Katyn, Poutine et Medvedev s'étant saisi de cet événement pour multiplier les gestes d'apaisements que la Pologne attendait depuis 70 ans. À son corps défendant, Lech aura finalement été plus grand dans sa mort que dans sa vie.
Le président polonais, Lech Kaczynski qui a péri samedi 10 avril, était
un des présidents les plus réactionnaires que la Pologne ait connu
depuis 1989. Contrairement à certains dirigeants qui étaient
des transfuges de l'ex-PC polonais ayant profité du discrédit de
Solidarité pour revenir au pouvoir, comme c'était le cas de son
prédécesseur Kwasniewski qui gouverna de 1995 à 2005, Kaczynski
s'était toujours situé parmi les droitiers et réactionnaires avoués.
Militant, avec son frère jumeau, à Solidarité depuis sa création, il
était surtout parvenu sur le devant de la scène politique en créant,
dans les années 2000, un parti très à droite, le PIS (Droit
et Justice), qui s'allia avec tous les groupes les plus à droite
possible en Pologne, comme la Ligue des Familles Polonaises, dont le nom reflétait quasiment le programme, chrétien, antiavortement, etc. C'est ainsi qu'il gagna l'élection présidentielle en octobre 2005.
Dès lors, Lech Kaczynski se signala par ses prises de positions ultra-conservatrices. Ainsi il fit pression pour le rétablissement de la peine de mort, en Pologne et dans l'Union européenne. Il interdit, en 2004 et 2005, l'équivalent de la Gay Pride à Varsovie. Il insista auprès des institutions de l'UE pour que rien, dans la Charte des droits fondamentaux dont elle se réclame, ne puisse obliger la Pologne à souscrire au droit à l'avortement ou à la liberté pour les homosexuels de se marier ou d'avoir des enfants. Et surtout, il fut à l'origine, avec son parti, de la loi sur la « lustration », une chasse aux sorcières dans laquelle les politiciens de son camp surenchérirent à tel point que même leurs partis s'entre-déchirèrent. Au final, dans un climat de suspicion délirant, 700 000 personnes ont été obligées de déclarer par écrit qu'elles n'avaient pas collaboré avec la police politique communiste.Sur le plan de sa politique extérieure, Kaczynski se targuait de ramener
la Pologne sur le plan international, et multiplia les rodomontades
nationalistes, envoyant des soldats polonais en Irak et en
Afghanistan, s'adressant à la Biélorussie et à l'Ukraine pour leur
proposer une alliance antirusse. Sur le plan intérieur, ministres et
élus se livrèrent à une impressionnante inflation d'inepties,
comme par exemple les prises de positions de l'élu européen Roman
Giertych, saluant en Salazar et Franco des pionniers de la lutte
anticommuniste, dénonçant le darwinisme, ou encore publiant un
ouvrage antisémite.
Mais derrière tout cela, il y avait surtout une excitation donnée en
pâture aux éléments les moins conscients dans la population et dans la
classe ouvrière polonaises. Il s'agissait de faire oublier
que derrière les attitudes guerrières de leurs gouvernants, il y avait
surtout des courbettes devant les capitalistes, les grands groupes
européens comme leurs imitateurs en Pologne.
Et c'est bien pour cela qu'aujourd'hui Sarkozy, comme Obama ou Barroso, adressent leurs commentaires attristés sur la disparition de ces dirigeants polonais. Car ils savent bien qu'au-delà de leurs bigarrures exotiques et barbares, ils sont des leurs.
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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021