On avait vu comment le viol d’une gamine de treize ans par un quadragénaire renommé qui l’avait fait boire et l’avait droguée avait soulevé l’indignation de Hollywood et du Tout-Paris, enfin, je veux dire qu’ils avaient été indignés qu’on ose poursuivre un violeur qui avait prouvé par ailleurs des qualités artistiques qu’ils estimaient au-dessus de la justice des hommes.
Aujourd’hui aux Etats-Unis (demain chez nous ? attention, ça va vite, en ce moment), alors que la société américaine toute entière se désagrège, les élus républicains ne songent qu’à s'attaquer aux femmes, comme, par exemple, en leur barrant l'accès à l'avortement ou en cherchant à redéfinir la notion de viol - oui, savoir si c’est un « viol », ou un « viol-viol », quoi.

Voici un nouvel épisode caractéristique des mentalités et que l'auteur(e) de l'article appelle la "culture du viol".
"11-Year-Old Girl Horrifically Gang-Raped; New York Times Article Blames the Victim"
Source: Alternet (initialement publié dans Shakesville)

Une fille de 11 ans victime d'un viol collectif effroyable: un article du New York Times accuse la victime

Par Shaker mmy
Il y a un article épouvantable dans le New York Times d’aujourd’hui, intitulé : "Vicious Assault Shakes Texas Town" (une violente agression secoue une petite ville du Texas) qui raconte que 18 mineurs et adultes, depuis des collégiens jusqu'à un adulte de 27 ans, ont été arrêtés à la suite du viol collectif d'une gamine de 11 ans.
Aussi abominable que soit cette histoire, l’article offre un exemple parfait de ce que nous appelons la "culture du viol".
C'est au paragraphe 3 que nous apprenons l’âge des agresseurs, et quelques précisions pour certains d'entre eux: cinq des suspects sont des élèves du lycée de Cleveland, dont deux font partie de l’équipe de basket. Un autre, âgé d’environ 21 ans, est le fils d’un membre du Conseil d'Administration du secteur scolaire, etc. Tout ce qu'on sait de la victime, c'est son âge et que c’est une fille.
Au paragraphe 4, on lit: "si les faits sont avérés, comment ces jeunes gens de la commune ont-ils pu être poussés à commettre un tel acte ?".
Ce qui implique, bien entendu que ce n’est pas leur faute s’ils ont violé une enfant, on les a simplement "poussés à le faire". Et, en effet, selon une des personnes interviewées, "ils vont devoir vivre avec ça toute leur vie".
Le mot "viol" est évité chaque fois que c’est possible. Le lecteur apprend qu’elle a été "forcée à avoir des rapports sexuels", qu’elle a subi des "agressions sexuelles" et qu’elle a été menacée, si "elle ne se laissait pas faire".
Maintenant demandez-vous pourquoi dans le paragraphe suivant, on nous explique que:
Les habitants du quartier où se trouve le mobile home abandonné ont déclaré que la victime allait y retrouver divers amis depuis des mois;
Que les témoins ont raconté que la victime portait des vêtements qui la faisaient paraître plus âgée qu'elle n'était, qu’elle se maquillait et que sa façon de s'habiller aurait davantage convenu à une jeune fille de 20 ans;
Que, selon certains, elle traînait souvent avec des adolescents sur une aire de jeux de la commune.
Mais nulle part dans l’article, il n’est mentionné que :
Une fille de 11 ans n'a pas atteint l'âge légal de consentement à l'acte sexuel. Et que même si on n'avait pas "menacé de la frapper si elle ne se laissait pas faire ", il s'agissait d'un viol.
Que la victime aura également " à vivre avec ça pour le restant de sa vie". Les garçons ont choisi de faire ce avec quoi ils devront vivre. Pas elle.
Que les garçons n'ont pas été "poussés à faire ça", mais qu'ils ont violé une enfant délibérément.
Que notre compassion et notre intérêt doivent aller avant tout à la victime et non pas aux garçons, à l’école, à la commune ou à d’autres.
Que, de la même façon que nous ne devons pas juger la victime, nous ne devons pas non plus nous permettre de juger la mère ("où était la mère? Que pensait donc la mère", dit Ms. Harrison, une des quelques voisines qui a accepté de parler).
D'après ce que l'on sait, la mère a désespérément cherché quelqu’un, qui que ce soit, qui était prêt à écouter ce qu'elle avait à dire sur ce qui était arrivé à sa fille. Et même si elle n’avait pas été concernée, la négligence parentale ne donne pas aux autres toute latitude pour violer des enfants dont les parents ne s'occupent pas.
Mon impression après avoir lu cet article, c’est que le lecteur était poussé à compatir avec les garçons et la commune. La victime, elle, avait disparu de l’article, tout comme elle avait fui la ville.
Et il en va ainsi, aujourd’hui, dans la culture du viol.

Tell the New York Times to Apologize for Blaming a Child for Her Gang Rape
Pétition adressée au NYT qui exige qu'il présente des excuses publiques pour avoir rendu responsable de son agression une enfant victime d'un viol collectif et qu'il fasse paraître un éditorial écrit par un spécialiste des droits des victimes pour qu'il explique que culpabiliser la victime contribue à perpétuer les agressions sexuelles.

NB: Complément d'information sur les attaques contre les femmes aux US: voir les premiers billets du dossier "femmes"

http://blog.emceebeulogue.fr/post/2011/03/10/Le-8-mars-est-pass%C3%A9-Ouf%2C-on-va-pouvoir-reprendre-une-vie-normale