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35h : le débat Valls-Filoche : par Slovar

Manuel Valls : Meilleur artiste de l'opportunisme politique ?

Au moment ou plus de 4 millions de chômeurs cherchent un emploi, Manuel Valls propose de revenir aux 39H00. Cette tactique est-elle destinée à faire du buzz pour les primaires socialistes où adresser un signe à droite en cas de défaite de la gauche en 2012 ?
Ce n'est un secret pour personne, Nicolas Sarkozy apprécie Manuel Valls. Au point d'avoir déclaré : " Dans dix ans, ce sera le meilleur des socialistes, mais d'ici là, ils l'auront tué" - TF1 Oui mais, Manuel Valls est un homme pressé, qui de surcroît, ne sait plus quoi inventer pour faire décoller sa candidature aux primaires du PS pour 2012.

Après avoir proposé de changer le nom du Parti Socialiste : " (...) je crois que le mot socialisme est dépassé, le changement de nom serait le symbole de notre propre dépassement, et d'un rassemblement plus large (...) " - Libération et Slovar de juin 2009. Puis avoir soutenu l'allongement de la durée de cotisations pour les retraites. Voici qu' après Jean-François Copé en septembre 2010 et Hervé Novelli, il y a quelques jours, il propose de " dévérouiller les 35H00 " !

"Grand rendez vous " Europe 1 de dimanche : " (...) Nous devrons déverrouiller les 35h qui n’existent déjà plus réellement… Cela permettra aux Français – pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi – de travailler davantage en gagnant plus… Pour ceux qui n’ont pas de travail, l’allégement du coût du travail, devra relancer l’embauche (...) "

Donc, comme le disait, le peu "socialiste", Xavier Bertrand : " travailler davantage, en étant payés autant ou moins "

Et que dire des autres propositions sur l'emploi, le pouvoir d'achat et les salaires, faites lors de l'émission (disponible sur le blog de M Valls ) destinées à : " créer un pacte pour la croissance "

1. Ouvrir une négociation entre les partenaires sociaux pour augmenter les salaires.

Nous serions particulièrement intéressés de connaître la façon dont monsieur Valls obligerait les organisations d'employeurs à ce type de négociation, dans la mesure où " l'agenda social " du MEDEF n'y fait aucune référence et se refuse à toute négociation sur des augmentations nationales

2. Nos marges de manœuvre étant faibles, il faudra alléger le coût du travail pour les entreprises, ce qui leur permettra d’augmenter les salaires et de recourir davantage à l’emploi.

Qui peut croire un instant à cette fable ? La suppression des 35H00 permettrait aux employeurs de continuer d'appliquer la politique de "modération salariale" sans augmenter les effectifs !

4. Pour compenser la baisse des charges, améliorer notre compétitivité, protéger nos emplois industriels, créer de nouvelles recettes, il faudra mettre en place une TVA « sociale ». L’inflation étant relativement faible, nous pouvons nous le permettre.

Le type même de la fausse bonne idée, comme l'explique Danièle Blondel, professeur émérite à Dauphine qui la qualifie de " Socialement injuste " : " (...) dans un premier temps, la hausse des prix des produits importés qui, aujourd'hui, pèsent lourd dans le panier de la ménagère, amputerait le pouvoir d'achat des consommateurs et déprimerait la demande intérieure sans compensation possible par une baisse du prix des produits nationaux (qui peut imaginer que, par exemple, les T-shirts chinois soient remplacés par des "cashmere" français) ? (...) "

En clair de l'inconsistant technocratique, basé sur positionnement socio-centro-démocrate, destiné à plaire au plus large spectre de l'électorat français et ... sarko-compatible en cas de deuxième mandat !

Et pour finir ces propositions, un couplet qui ressemble étrangement au programme d'un ancien candidat à la Présidence de la République : " (...) Réhabiliter la valeur travail, améliorer notre productivité, renforcer notre compétitivité, redonner du pouvoir d’achat aux Français, sont les axes qui permettront à la France de se redresser (...) "

A ceux qui penseraient que, ces prises de position n'ont rien à voir avec un possible destin ministériel ... en cas de victoire de la droite, nous leur proposons de voir ou revoir la vidéo du 18 mars 2009, publiée sur un blog de Mediapart, et dans laquelle, on peut le voir " (...) lors d'un débat à l'université Dauphine à Paris (...) revenir " (...) sur sa non-entrée au gouvernement lors de l'élection de Nicolas Sarkozy (...) "

Extraits : " (…) Nicolas Sarkozy m'a dit : " Tu sais Manuel, on est en 1958, je suis le Général de Gaulle, nous sommes en train de vivre une période révolutionnaire, c'est le moment de mettre tous les talents au gouvernement". Je lui ai répondu que 2007, ce n'était pas tout à fait 1958. Et puis j'avais des désaccord de fond avec sa politique économique "


Comment Sarkozy a proposé un Ministère à Manuel Valls
 
Et d'ajouter en toute fin d'intervention : "(...) Je pense que mon destin, mon choix, mon envie est de rénover la gauche en profondeur, alors on verra dans cinq ans, s'il me repropose quelque chose, on verra (...) " Après tout, dans 18 mois, il sera toujours temps de voir ... en fonction du vainqueur ...


35H00 : Gérard Filoche répond à Manuel Valls !

Si Manuel Valls voulait faire réagir en évoquant un "déverrouillage" des 35H00, c'est réussit. Gérard Filoche, inspecteur du travail met en cause ses propos et lui répond par écrit en 25 questions réponses sur les 35H00.
Comme beaucoup de gens qui se reconnaissent dans les idées de gauche, nous avons été atterrés par le fait que Manuel Valls puisse proposer de "déverrouiller" les 35H00 au moment même où l'UMP va présenter son pré-rapport sur le sujet.

C'est pourquoi, il était important de connaître la position de l'un des meilleurs connaisseurs du monde et du code du travail et membre du Parti Socialiste : Gérard Filoche. Pour ce faire, il a pris sa plume et dans un texte dense mais précis : " Contre l’ignorance totale de Manuel Valls et de quelques autres - 25 questions-réponses rapides sur les 35 h - (presque) tout savoir sur les 35 h " il démonte point par point l'argumentaire de Manuel Valls, de l'UMP et de quelques dirigeants socialistes qui, visiblement, parlent sans connaître réellement le sujet.

Nous vous donnons ci-dessous de larges extraits du texte qu'il nous a fait parvenir et également publié sur Démocratie & Socialisme
" (...) Ce qu’a dit Manuel Valls témoigne de son incompétence totale en droit du travail, en économie, en histoire. Ce garçon n’a jamais travaillé, il n’y connaît rien, il ignore et méprise des millions de salariés, qu’il s’oblige donc à faire femme de service dans les écoles de sa circonscription et au bout de quelques mois où il aura passé la serpillière dans les réfectoires, il sera pour les 35 h et réclamera à coup sur le paiement majoré d’heures supplémentaires

1 - Est-ce que les 35 h sont « verrouillées » ?

Il n’y a aucun verrou. D’aucune sorte. Les 35 h ne sont que la durée légale du travail. Elles ne sont que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Le seul verrou existant est la durée maxima qui est de 48 h hebdomadaires. Avec les 35 h il y a place pour 13 h supplémentaires hebdomadaires, davantage qu’avec les 39 h où il ne pouvait y avoir que 9 h supplémentaires par semaine.

2 - Est-ce que les 35 h sont un carcan ?

Copé félicite Valls pour « sortir du carcan dogmatique hérité de Madame Aubry, c’est aussi se donner une arme de plus dans la cruciale bataille contre le chômage ». Il n’y a aucun carcan. D’aucune sorte ( Hélas !) C’est ce que Xavier Bertrand a répondu a Copé (...)

3 - Est-ce que les 35 h n’existent déjà plus réellement ?

C’est malheureusement ce que dit Montebourg, député PS et lui aussi candidat aux primaires socialistes : « Les 35 heures n’existent plus, donc évidemment rouvrir ce débat est inutile ». Arnaud Montebourg n’y connaît rien non plus. Les 35 h existent. Elles s’imposent même à 100 % des salariés, à 100 % des employeurs. C’est une durée légale d’ordre public social valable dans toutes les entreprises, toutes les branches, tous les métiers, tous les statuts.

4 - Est-ce que les 35 h empêchent les Français de travailler davantage ?

(...) La meilleure année depuis un siècle de la croissance française, de l’emploi en France, c’est l’année 2000, année de la mise en place des 35 h. 350 à 400 000 emplois de plus. C’est la meilleure année sociale de toutes les annales. Moins de précaires, hausse de la masse salariale, toutes les caisses de protection sociales étaient au vert (...)

5 - Est-ce que les 35 h empêchent de travailler deux ou trois heures de plus ?

(...) Il y a place légale pour 13 supplémentaires mensuelles majorées par semaine. Quant au contingent annuel maximum d’heures supp’, il était de 91 h dans la métallurgie en 1995, de 120 h en général lorsque le patronat signait l’accord du 31 octobre 1995 considérant que les heures supp’ devaient être « exceptionnelles et imprévisibles » (...)

6 - Est-ce qu’à cause des 35 h on travaille moins que les autres pays ?

(...) Nous sommes dans la moyenne européenne : la durée hebdomadaire du travail en 2007 de l’ensemble des actifs était de 37 heures en France, pour 37,3 heures en moyenne dans l’Europe des 15. C’est presque une heure de plus qu’en Allemagne (36,2 h), une heure et demie de plus qu’au Danemark (35,5 h) et dans les pays Nordiques, et presque cinq heures de plus qu’en Hollande (32,2 h) (...)

7 - Est-ce que le monde (du travail) a changé depuis 1997 ?

(...) Il y a davantage de chômeurs, les records mondiaux sont battus. Le néo-libéralisme et la dictature de la finance tendent à ramener les durées du travail réelles au niveau du XIXe siècle, avec souffrance, stress, contre la santé et contre l’emploi (...)

8 - Est-ce que les 35 h sont une idée des années 70, 80, 90 ?

C’est un progrès historique. L’histoire du code du travail EST l’histoire de la réduction du temps de travail. De 1840 à 1920, il a fallu 80 ans pour passer de la journée de 17 h à la journée de 10 h. de 1936 à 200 il a fallu 70 ans pour passer de 40 h à 35 h : en 70 ans, on a réussi en pratique, dans les faits, dans la vie réelle (...)

9 - Est-ce que les 35 h coûtent cher aux entreprises ?

Les 35 h ne devaient pas se faire à « profit constant » mais comme un moyen de redistribuer emplois et richesses. Mais non, le Medef a « mené la guerre » depuis 13 ans aux 35 h. Il a exigé des masses de subventions. Il ment en prétendant que ça coûte trop cher : en fait pour refuser de négocier les salaires. Mais ses profits n’ont jamais été aussi énormes, la France n’a jamais été aussi riche.

10 - Est-ce que les 35 h coûtent cher à l’état ?

Ça coûte à l’état qui prend sur les impôts que paient les salariés : parce que l’état redistribue d’énormes sommes au patronat (...) Entre 30 et 45 milliards d’exonérations de cotisations sociales de 1 à 1,3 fois le Smic ce qui va en premier dans les poches du CAC 40 (...)

11 - Est-ce que les 35 h ont déjà été détricotées ?

Jack Lang :« Les 35 heures ont été déjà partiellement détricotées, réadaptées ». Encore une fois ça ne veut rien dire ! les 35 h c’est un chiffre, un repère unique pour la durée légale (...)

12 - Est-ce que les 35 h ont bloqué les salaires ?

(...) Lionel Jospin (...) a proclamé les 35 H HEBDOMADAIRES PAR LA LOI SANS PERTE DE SALAIRES. Ce sont les patrons qui ont bloqué les salaires et tout tenté pour les flexibiliser (...)

13 - Est-ce que les 35 h ont été annualisées ?
(...) Dans moins de 0,3 % des cas, il y a eu des accords d’annualisation ou de modulation. Ils sont mauvais : car ils reviennent à rendre les heures supplémentaires invisibles et non majorées (...) En fait le patronat (...) y fait recours dans 76 % des cas pour ajuster les horaires

14 - Est-ce que les 35 h ont été annulées par la flexibilité ?

(...) La flexibilité s’oppose aux 35 h, elle cherche à moduler la durée légale, la durée maxima, le taux des heures supp’ etc. mais tant qu’il reste un ordre public social avec un chiffre unique de repère, les 35 h sont là. Le patronat est pour la flexibilité, mais quand il s’agit de payer, il est d’une rigidité extraordinaire.

15 - Est-ce que la loi TEPA a réglé la question des 35 h ?

(...) TEPA a poussé à des heures supp’ en les faisant payer en partie par l’état (par les impôts de salariés). Cela revient à faire travailler plus ceux qui ont un travail au détriment de ceux qui n’en ont pas. Ça coûte cher et cela a mal marché : 4 milliards qui vont dans la caisse des patrons et augmentent le nombre de chômeurs non embauchés (...)

16 - Est ce que les 35 h sont fraudées ?

(...) Il y a 1 milliard d’heures supp ‘ dans ce pays qui ne sont pas déclarées, pas majorées et même pas payées du tout, ce qui est l’équivalent de 600 000 emplois (...)

17 - Est-ce que les 35 h n’ont pas d’effet dans les petites entreprises ?

Mais si ! Elles s’imposent à toutes les petites, moyennes et grandes entreprises. Même Alain Vidalies ne rend pas compte de la vérité quand il écrit : "Par exemple, Valls met en garde [les socialistes] contre une généralisation des 35 heures aux PME. Mais c’est François Fillon, en 2003, qui l’a mise en place (...)

18 - Est-ce qu’il est déjà possible de déroger aux 35 h ?

Oui, depuis la loi Bertrand, par « accord » avec des syndicats représentant une majorité des salariés concernés. Ce fut le cas à Continental et dans un certain nombre de cas phares ou le patronat fit chantage à l’ordre public social, obligeant les salariés sous peine de chômage à travailler plus sans que les heures supplémentaires soient majorées… et puis les patrons de Continental, après avoir fait avaler cet accord, ont quand même fermé et licencié (...)

19 - Est ce que les RTT ont été supprimées ?

Oui, il y a eu certains textes pour faciliter les « forfaits » sans contrôle et avec moins de jour de RTT parmi les cadres notamment, avec parfois une définition extensive et contestable du statut de « cadre » (...)

20 - Est ce que les 35 h n’existent plus pour les cadres ?

Les cadres sont aux 35 h, de droit commun comme tous les salariés. En fait, nul ne peut les faire travailler plus de 10 h par jour, ni plus de 48 h par semaine ! (...)

21 - Est ce qu’il faut « étendre » les 35 h ?

Non, elles sont étendues. Les 35 h art. 1 de la loi Aubry sont une loi magnifique, la plus avancée au monde. Mais on pourrait prendre des mesures pour rapprocher la durée réelle du travail de la durée légale (...)

22 - Et si on repassait aux 40 h ?

Faire machine arrière toute 70 ans en arrière, cela ne reviendrait qu’à une seule chose : abaisser les salaires . Car des millions de salariés perdraient la majoration de 25 % pour les heures entre 36 et 40. ET il y aurait un million de chômeurs de plus au bas mot.

23 - Est-ce que supprimer les 35 h ça augmenterait les salaires ?

Ça les baisserait automatiquement pour ceux qui feraient des heures supp’. Et pour tous les autres qui auraient encore moins de travail à se répartir.

24 - Et si on augmentait le nombre autorisé d’heures supplémentaires ?
Il est déjà énorme et parfois heureusement inatteignable. Les Britanniques en effet pratiquent l’opt out. (Article 18 de la directive 93-104) Sarkozy a tenté de faire passer la semaine de 65 et de 72 heures quand il présidait l’Europe en décembre 2008 : il a été battu heureusement par le Parlement européen. Mais la directive sur le temps de travail est toujours sur la table en Europe… Danger !

25 - Et s’il n’y avait plus de durée légale ?

C’est le rêve absolu du Medef. Il ne cesse de revendiquer cette « solution »… finale. Cela casserait tout repère, aussi bien pour la durée que pour les salaires. Plus de Smic à 151 h 66. Plus de « grilles de salaires « conventionnelles. Faire fluctuer, rendre confus, pour mieux couler tout le droit du travail.

Gérard Filoche

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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021