« A cause de la circulaire Guéant, j'ai licencié une de mes collègues »

Monsieur le Premier Ministre,

Aujourd'hui j'ai licencié une de mes collègues, qui ne s'y attendait pas plus que moi et qui en est forcément encore plus affectée que moi.

Non parce qu'elle manque de diplôme – elle a été diplômée en 2011 d'une école d'ingénieur française. Non parce qu'elle a démérité, elle est brillante et travailleuse. Non parce que ma société manque d'activité, nous sommes en croissance et nous recrutons de nombreux candidats.

Seulement parce que son changement de statut étudiant a été refusé par la préfecture. A cause de la circulaire de Claude Guéant qui impose le refus du changement de statut aux étudiants étrangers qui effectuent leur premier emploi en France.

« Règle simpliste, inhumaine, détestable »

Jusqu'à présent mes recrutements se faisaient sans distinction de sexe, de race, de religion, de nationalité ou d'orientation sexuelle. Maintenant, je ne recruterai plus d'étudiant étranger en école d'ingénieur, puisque les changements de statuts seront refusés. Je ne vais certainement plus recruter d'étranger en situation régulière, puisque la prochaine étape sera de refuser les renouvellements de permis de travail.

Maintenant, ma première question va devenir : Vous avez vos papiers ? Et puisque nous avons besoin de recruter, je vais me retrouver contraint de collaborer et d'appliquer cette préférence nationale avant l'heure.

Le document de la préfecture justifie son refus par une règle qui compare le nombre d'offres et le nombre de postulants à Pôle emploi sur mon secteur d'activité. La règle est simpliste, implacable, inhumaine, détestable, elle ignore tout d'un entretien d'embauche, des compétences et des motivations de chacun.

« Je bleuglerai autant que je pourrai »

Je me suis souvent demandé comment j'aurais réagi sous l'Occupation, si j'aurais obéi en courbant l'échine devant les instructions de la préfecture ou bien si j'aurais eu la force de résister. Doit-on appliquer une règle inique parce qu'elle émane de la préfecture ? Nous appliquerons la loi pour protéger l'entreprise dont je fais partie, mais je beuglerai autant que je pourrai.

Monsieur le Premier Ministre, c'est au moment d'inviter les étudiants dans les écoles françaises qu'il fallait réfléchir. Pas maintenant qu'ils sont employés, efficaces, intégrés. Pas maintenant qu'ils s'apprêtent à payer des impôts et à payer en partie l'investissement que les contribuables ont fait sur eux.

Après avoir vécu aux Etats Unis pendant quelques années, j'ai fait le choix de travailler en France. Au vu de cette circulaire, c'est un choix que je regrette. Nous sommes raillés par le reste du monde et nous le méritons bien.

Etudiants et talents de tous pays, courage, fuyez ! Et entrepreneurs de France, courage, fuyons ! Ou alors, monsieur le Premier Ministre, revenez vite en arrière sur cette circulaire malheureuse.

Arnaud Lievin, directeur associé dans une entreprise parisienne, a envoyé à Rue89 cette lettre qu'il a adressé à François Fillon via le site du ministère.

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Date de dernière mise à jour : 05/07/2021